El Mundo Sans Le Corps

‘Each told story can be a gift for another’.

I started the series of Icon in Progress in 2015, after being faced with the collective trauma in my last painting (DansleventreduserpentDanhomè - Divine Comedy).

I confronted my own body to react to a horrific archive (seen at the Tervuren Museum after years of consultations). Some paintings are related to the previously described archives where the bodies were murdered. Then my imagination worked to rebuild them, clean up the toxic iconography with a new carnal approach of bodies.

At first, I left traces of my body on the canvas with brown pigment. The prints then became the beginning of a narrative.

I asked myself about the concept of Time and Trauma. A question: has there been an interruption of the collective trauma ?

What if the gender war was a taboo? Since we talk about gender equality in the 21st century, should it even be a debate ?

One painting evokes a woman who carries her fallopian like a flag...

In a other one, I asked myself when did the Western world decided to take the lion as a symbol of nationalism? In this painting, the feline's tracks appear as questions of identity/identities.

El Mundo sans le corps questions the powerful notion of the body today; how the virtual nature of our lives consumes the sacred. It provokes questions as to what happens to the physical body as carrier of memories, and propels the artist to become the teller of stories.

 

Oralité plastique

Depuis que je connais Pélagie G., j’ai l’impression d’avoir en face de moi une pythonisse. Sa manière d’aborder le monde et les êtres qui l’entourent est singulière. Il s’agit d’un animisme ou d’un chamanisme qui ne dit pas son nom. Sa perception repose essentiellement sur les sens, une intuition du corps qui lui permet d’accéder à des dimensions qui échappent à la plupart d’entre nous. J’ai parfois le sentiment que Merleau-Ponty a rédigé cette phrase à son attention exclusive : “ Mon corps est à la fois voyant et visible. Lui qui regarde toutes choses, il peut aussi se regarder, et reconnaître dans ce qu’il voit alors l’“autre côté“ de sa puissance voyante. ”  C’est cette puissance là que je sens sourdre de toutes les formes qu’elle crée. Et le paradoxe du titre de cette série, El mundo sans le corps, qui joue à la fois sur le langage et sur une impossibilité, implique, peut-être, une invite à la dématérialisation. Notre corps est certes le réceptacle de nos souffrances, de nos émotions, de nos traumatismes, mais il peut être autre chose. Il peut devenir cet élément désincarné qui nous permet d’aller au-delà de la condition humaine. La « puissance voyante » engendrée par le corps et liée à la mémoire des choses, comme une histoire très ancienne qu’il faudrait réactualiser tous les jours, dépasse de très loin les limites du corps. Je vois, dans chacune de ces œuvres, comme un de ces contes philosophiques d’un passé encore présent dans nos mémoires, individuelles ou collectives. Elle nous livre des secrets que nous devons, comme dans tout initiation, être prêts à comprendre. C’est la réflexion à laquelle elle nous invite d’emblée, comme une interrogation sur nous-mêmes, une énigme sur nos origines et notre futur : « Can we save memory for creating vital force?
After trauma can we dream of a collective purpose?

Mutating oral traditions urge us to question the new aesthetic forms of orality, transmission and writing: language form.
The digital revolution is leading to a revolution in our relation to the world, language and all forms of expression. It merits further exploration in this field.
We must fight against collective amnesia to reconstruct an intelligible world. »

Le monde intelligible que l’artiste nous invite à reconstruire est, au sens premier du terme, un monde que l’on pourrait lire, au-delà des mots et des présupposés historiques et idéologiques. L’oralité a ceci d’unique qu’elle communique des messages et des enseignements qui dépassent la langue. L’oralité, que l’on associe trop souvent, exclusivement, à la parole, est également une gestuelle, une façon d’être au monde et de communiquer à autrui : il était une fois, est la porte ouverte à tous les voyages. Pélagie Gbaguidi nous invite à revenir à l’essentiel et à réinventer une nouvelle forme de vivre-ensemble, qui irait au-delà de l’essentialisme des corps comme système de représentation et des concepts qui y sont le plus souvent attachés. Et les outils qu’elle emploie, que j’ai nommé « oralité plastique », permettent à une transsubstantions contemporaine et païenne de survenir. Car la spiritualité dont sont empreints ses contes ne fait référence à aucune forme de déité, mais insiste sur ce que nous avons tous en partage, notre humanité.

Simon Njami

 1 Maurice Merleau-Ponty, L’œil et l’Esprit, Paris, Gallimard, 1964

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